Les microalgues, une solution santé

Article parus dans le magazine Vitalité Québec Mars 2015
Par Viviane Bélair,
Biologiste marine (B. Sc.) et chimiste (M. Sc.)
candidate au doctorat en Génie des bioressources de l’Université McGill

Que vous soyez sportif ou sédentaire, végétarien ou à la recherche d’un complément alimentaire, les microalgues sont une source idéale de vitalité [1]. La plupart des gens ont entendu parler des suppléments de microalgues, principalement de la chlorelle et de la spiruline, mais sans connaître les raisons pour lesquelles elles sont dites énergisantes, antiâge et anticancer, hépatoprotectrices, neuroprotectrices et cardioprotectrices. Découvrez ces différentes espèces de microalgues sur le marché et leurs bienfaits sur la santé.

Qu’est-ce qu’une microalgue?

Les microalgues, incluant les cyanobactéries (algues bleues), sont considérées comme la première forme de vie sur terre, une apparition évaluée respectivement à 2 et 3,8 milliards d’années. Les microalgues sont des cellules microscopiques aquatiques de l’ordre du 2-30 μm qui, grâce à la photosynthèse, peuvent convertir l'énergie solaire en énergie chimique, essentielle à la synthèse de composés [2]. Aliments riches et équilibrés, les microalgues sont à la base de la chaîne alimentaire aquatique et produisent entre autres les huiles oméga 3 et oméga 6, qui s’accumulent dans les poissons et l’astaxanthine (pigment rouge), qui donne la coloration rosée à la chair de poisson. Les microalgues sont connues depuis des siècles, et au cours des 40 dernières années, la production commerciale s'est axée sur quelques espèces de microalgues pour des applications dans les industries alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques : Arthrospira (spiruline), Chlorella (chlorelle), Dunaliella, Haematococcus et Aphanizomenon, et a atteint des milliers de tonnes par an [2,4]. Bishop (2012) propose une revue critique intéressante sur les productions mondiales de ces cinq espèces de microalgues, dont les plus cultivées sont la spiruline et la chlorelle [5]. Les microalgues n’ont pas encore reçu l'attention qu'elles méritent, mais aujourd’hui, comme le consommateur exige des aliments plus naturels avec des réclames santé (en vertu des numéros de produits naturels (NPN) régis par Santé Canada), elles sont amenées à jouer un rôle important dans l'industrie alimentaire [2].

Équilibre : un incontournable pour les végétariens

L’alimentation végétarienne ou les régimes carencés peuvent être compensés par les protéines, le fer, le zinc, le calcium, les oméga-3 et oméga-6 et les vitamines (B12, D et A) contenus dans les microalgues. La teneur en protéines de la spiruline et de la chlorelle représente de 50 à 70 % du poids sec, et est supérieure à celle de la viande, du lait, des œufs ou du soja, avec un excellent profil d’acides aminés essentiels [2]. Par exemple, 10 grammes de spiruline contiennent autant de protéines qu'un œuf, autant de fer que 300 grammes de foie de veau, autant de β-carotène que 200 grammes de carottes, autant de calcium qu'un yaourt et autant de magnésium que trois carrés de chocolat noir [6].

Contrôle : une aide à la cure d’amaigrissement et à la digestion

Les microalgues sont un allié pour les personnes qui entreprennent un régime amaigrissant. Dans un régime hypocalorique, l’alimentation est souvent déséquilibrée, ce qui engendre des carences en acides gras essentiels et en vitamines (A, D, E, K), causant ainsi de la fatigue. En plus d’être naturelles et équilibrées, la spiruline et la chlorelle contiennent de la phénylalanine, un acide aminé qui supprime l'appétit en déclenchant la sécrétion d’une hormone (cholécystokinine) qui donne au cerveau un signal de satiété. La prise de cinq à dix grammes de spiruline 30 minutes avant les repas facilite le suivi d’un régime [1,7]. Les microalgues aident également à la digestion, car leur pH est basique, ce qui permet de rétablir le pH de l’estomac, généralement perturbé par notre alimentation trop acide, tout en stimulant le développement de bactéries favorables au système digestif [2].

Performance : un allié pour les sportifs

Les sportifs et même les athlètes olympiques consomment des microalgues pour améliorer leur endurance, leurs performances et avoir une récupération plus rapide après des efforts soutenus. Le déficit en fer est fréquent chez les sportifs, ce qui réduit la capacité de transport de l’oxygène par le biais de l’hémoglobine. La haute teneur en fer des microalgues constitue un complément naturel, dont l’absorption est 60 % plus efficace que les autres compléments. De plus, la grande consommation d'oxygène chez le sportif crée une surproduction de radicaux libres qui s’accumulent, amplifiant les courbatures, les crampes et les risques de rupture tissulaire. La consommation de microalgues qui contiennent du β-carotène agit comme antioxydant [1].

Anticancer : les antioxydants

Les niveaux de stress oxydant (tabac, alcool, pollution) génèrent des radicaux libres dans le corps, qui sont normalement éliminés par la production d’antioxydants (par exemple, superoxyde dismutase (SOD)), mais en excès, ils attaquent les tissus et causent des dommages oxydatifs qui peuvent conduire au cancer. Les pigments des microalgues sont une source d’antioxydants, dont le β-carotène (précurseur de la vitamine A) contenu dans la spiruline et la chlorelle. L’Institut national de la santé et l'Institut national du cancer américain recommandent une source alimentaire riche en β-carotène naturel, qui est absorbé dix fois plus facilement que la forme synthétique et surtout sans danger. Le pigment de phycocyanine, uniquement présent dans les algues bleues, dont la spiruline, permet également de prévenir ou d’inhiber le cancer [1,8]. Manger des aliments riches en antioxydants comme les caroténoïdes, la phycocyanine, la SOD et les vitamines (C et E) des microalgues est un moyen de prévenir le cancer [1,7].

Hépatoprotectrices : une cure de détoxification

La chlorophylle, le pigment primaire présent dans toutes les microalgues, est connue pour aider à détoxifier l’organisme des agressions liées à la pollution. La chlorelle présente le taux le plus élevé en chlorophylle que l'on puisse trouver dans la nature (2 à 3 %) suivie de la spiruline (1 %) [1].

Maintien d’une bonne vision

La zéaxanthine et la lutéine sont concentrées dans la rétine de l'œil humain et favorisent une bonne vision. La zéaxanthine et la lutéine des microalgues augmentent la concentration dans le sérum permettant de réduire le risque de cataracte et la dégénérescence maculaire liée à l'âge [3]. De plus, le ß carotène des microalgues se transforme en vitamine A, essentielle dans le mécanisme de la vision et sans risque d’hypervitaminose A [1].

Acides gras essentiels : cardioprotecteurs et bons pour la peau

Les acides gras polyinsaturés ont des effets favorables sur les maladies cardiovasculaires [9]. La chlorelle contient un oméga-3 à courte chaîne, l’acide alpha-linolénique (AAL, 18:3, oméga-3), et un oméga-6, l’acide linoléique (AL, 18:2, oméga-6). La spiruline contient quant à elle des oméga-6, soit l’acide gamma-linolénique (AGL, 18:3, oméga-6) et l’acide linoléique (AL, 18:2, oméga-6) [10]. L’AGL contenu dans la spiruline est directement assimilable et une des meilleures sources (1 à 1,5 %) après le lait maternel. L’AGL est un acide gras précurseur de métabolites anti-inflammatoires (prostaglandines), qui permet de lutter contre les maladies cardiovasculaires. [11,12] L’AGL a aussi démontré une grande efficacité pour améliorer la qualité de la peau et diminuer les symptômes liés aux maladies cutanées comme l’eczéma et le psoriasis.

Comment choisir et utiliser les microalgues ?

Les microalgues sont offertes sous forme de comprimés et de poudre qui peut être incorporée aux boissons ou aux plats pour augmenter leur valeur nutritive. La spiruline est, entre autres, une source de β-carotène (provitamine A), de phycocyanine, de chlorophylle, de zéaxanthine, de lutéine, d'acide gamma-linolénique (AGL) et de superoxyde dismutase (SOD). [5,8] La chlorelle est reconnue comme une source de chlorophylle, de β-carotène, de lutéine, d’acide alpha-linolénique (AAL), de vitamine B12 et de fibres alimentaires. [3] Santé Canada suggère d’en consommer jusqu’à 5 à 6 grammes par jour, en débutant par 1 gramme par jour en augmentant progressivement jusqu’à la dose voulue. Les femmes enceintes ou allaitant et les personnes présentant des troubles de santé particuliers devraient consulter leur médecin avant d’en consommer. La spiruline n’est pas allergène, et la chlorelle est considérée comme un allergène faible pour certains types de personnes. [1] Toutes les microalgues proposées sur le marché ne sont pas exactement identiques, donc il importe en tant que consommateur de faire certaines vérifications sur la qualité du produit.

Un choix de pureté : qualité de l’eau et de l’air

Les conditions environnementales et le système de culture des microalgues jouent un rôle important dans la qualité du produit final. Les microalgues sont très absorbantes des métaux lourds, ce qui est favorable à leur propriété détoxifiante, mais elles absorbent aussi les impuretés du milieu de culture. Par exemple, certaines fermes en milieu naturel près de zones polluées utilisent de l’eau de rivière, ce qui augmente les traces de métaux lourds et de contaminants [2, 5, 13] comparativement à la ferme d’Hawaii, qui utilise de l’eau de l'océan pompé à 600 mètres (qui n'a pas été à la surface depuis plus de 2 000 ans) et de l’eau de milieu aquifère. [1] Les lignes directrices pour les métaux lourds dans les microalgues ont été émises par les fermes de Californie et d’Hawaii qui, au cours d’un programme d'essai de cinq ans avec 120 laboratoires indépendants, ont démontré que les métaux lourds étaient soit pas détectables ou extrêmement faibles dans leurs produits. Les normes strictes pour les métaux lourds sont établies pour l'arsenic (< 0,5 ppm), le cadmium (< 0,05 ppm), le plomb (< 0,2 ppm), et le mercure (< 0,025 ppm). [14] Ces normes sont conformes à la proposition 65 de la Californie sur les niveaux d’accumulation quotidienne sans risque significatif d'exposition au cancer ou de troubles de la reproduction.

Un choix d’assurance : certification des producteurs

Les installations industrielles de production de microalgues doivent répondre à des normes sanitaires. Cette approche inclut la mise en place de bonnes pratiques agricoles (BPA), d’hygiène (BPH) et de fabrication (BPF) et de systèmes d’analyse des risques aux points critiques (HACCP). [1] Les seules fermes à s’être qualifiées pour la certification « généralement reconnus inoffensifs » (GRAS) par l'agence américaine des médicaments et de l'alimentation (FDA) des États-Unis sont les fermes de Californie et d’Hawaii. [4] De plus, la certification biologique relative aux microalgues n’est pas nécessairement un gage de qualité du produit, car les nutriments requis pour leur culture sont issus de thés de compost provenant de matières végétales ou animales. Les fermes de la Californie et d’Hawaii, après trois années de recherche sur des sources alternatives de nutriment, ont décidé de ne pas intégrer la norme biologique à leurs installations en raison de contamination plus importante en métaux lourds et en bactéries de même que de leurs coûts de production plus élevés, afin de miser sur un produit de qualité supérieure. [7]

Un choix de qualité : procédé de séchage et d’emballage

Le procédé de fabrication influe directement sur la qualité du produit. Par exemple, la chlorelle a une paroi cellulaire constituée de cellulose indigeste, donc le producteur doit assurer le bris des cellules (par Dyno-Mill ou pulvérisateur à jet) afin d’augmenter sa digestibilité, passant de 47 % pour les cellules intactes à 80%. Dans le cas de la spiruline, n’ayant pas de paroi, elle est facile à digérer à 85-90%. [5] Par ailleurs, plusieurs des composés des microalgues sont détruits par un mauvais séchage ou une exposition prolongée à la lumière. Le séchage en quelques secondes par atomiseur limite la dégradation des composés nutritionnels, et produit une fine poudre facile à assimiler, pratiquement sans arôme ni goût. La ferme d’Hawaii a un procédé de séchage novateur « Ocean Chill » à de faibles niveaux d’oxygène (< 1 %) qui préserve de 90 à 95% des caroténoïdes. L’emballage dans un sachet d’aluminium multicouche scellable est recommandé pour enlever l’oxygène résiduel. Un emballage bien fermé, à l’abri de l’humidité et de la lumière, permet de conserver les qualités nutritives de la poudre pendant cinq ans. [1]

Investissement pour la santé

Les microalgues, en considérant leurs multiples bienfaits, sont une solution santé. Il s’agit de suppléments entiers, naturels, peu transformés et sous diverses formes (poudre et capsules) qui représentent une source de vitalité et d’énergie et favorisent un meilleur métabolisme. Les produits sur le marché sont diversifiés, donc il importe de faire un choix éclairé selon l’application recherchée et de considérer la qualité du produit.

Viviane Bélair est biologiste marine (B. Sc.) et chimiste (M. Sc.)
candidate au doctorat en Génie des bioressources de l’Université McGill

Références

  1. CRUCHOT, H. La Spiruline : bilan et perspectives, Université de Franche-Comté, faculté de médecine et de pharmacie de Besançon, 2008, p. 353.
  2. EFTERPI CHRISTAKI, E.B., Ilias GIANNENASA et Panagiota FLOROU-PANERI. « Microalgae: a novel ingredient in nutrition », International Journal of Food Sciences and Nutrition, vol. 62, no 8, 2011, p. 6.
  3. SUTER, P. M. et Guangwen TANG. « Vitamin A, Nutrition, and Health Values of Algae: Spirulina, Chlorella, and Dunaliella », Journal of Pharmacy and Nutrition Sciences, vol. 1, no 2, 2011, p. 8.
  4. KOLLER Martin, Alexander MUHR et Gerhart BRAUNEGG. « Microalgae as versatile cellular factories for valued products », Algal Research, vol. 6, 2014, p. 12.
  5. ZUBECK, Heidi M. et West M. BISHOP. « Evaluation of Microalgae for use as Nutraceuticals and Nutritional Supplements », Journal of Nutrition & Food Sciences, vol. 2, no 5, 2012, p. 6.
  6. NOËL, F. La spiruline : un aliment complet, diététicienne et nutritionniste, 2014, p. 2.
  7. Kelly Moorhead et Bob Capelli, a.l.D.G.R.C., Cyanotech Corporation, 2011.
  8. SOTIROUDIS, T.G. et G.T. SOTIROUDIS. « Health aspects of Spirulina (Arthrospira) microalga food supplement », Journal of the Serbian Chemical Society, vol. 78, no 3, 2013, p. 12.
  9. TOSI, F. et autres, « Delta-5 and delta-6 desaturases: Crucial enzymes in polyunsaturated fatty acid-related pathways with pleiotropic influences in health and disease », Advances in Experimental Medicine and Biology, 2014, p. 61-81.
  10. PIRE, R. et S. OTLES. « Fatty acid composition of Chlorella and Spirulina microalgae species », Journal of AOAC, vol. 84, no 6, 2001, p. 8.
  11. HORROBIN, D.F. et autres. « Fatty acid metabolism in health and disease: The role of Δ-6-desaturase », American Journal of Clinical Nutrition, vol. 57, supplément 5, 1993, p. 732S-737S.
  12. Canada, A.e.a. Acide gamma linolénique (GLA) : Ingrédient canadien bon pour la santé, 2006, p. 4.
  13. KLEIN B. et R. BUCHHOLZ. « Microalgae as sources of food ingredients and nutraceuticals », Woodhead Publishing Limited, 2013, p. 12.
  14. FOOD AND DRUG ADMINISTRATION. GRAS Notification for Spirulina Microalgae, Office of Premarket Approvals (lH FS-200), Center for Food Safety and Applied Nutrition, 2002, p. 47.